Récemment, Jackie Chan s’est confié au Global Times, admettant ressentir une certaine « appréhension » concernant The Shadow’s Edge. Il y évoque sa manière d’aborder les défis liés aux nouvelles technologies, son expérience de travail avec la jeune génération, ainsi que ses ambitions pour l’avenir du cinéma chinois. Après 64 ans de carrière, Jackie Chan continue, à travers ses films, de raconter les évolutions de son époque et sa propre transformation, tout en restant fidèle à ses valeurs et en cherchant sans cesse à se renouveler. Voici la traduction complète de l’entretien :
Global Times : Qu’est-ce qui vous a le plus touché et attiré à rejoindre le film The Shadow’s Edge ?
Jackie Chan : En réalité, j’étais un peu nerveux, parce que ce rôle diffère de mes personnages habituels centrés sur l’action. Avant, c’était généralement moi qui faisais les combats tandis que d’autres s’occupaient du reste. Cette fois, non seulement je dois combattre, mais je dois aussi utiliser beaucoup de termes techniques dans les dialogues, ce qui représente un énorme défi pour moi. Mais en repensant à ces dernières années, j’ai tourné Karate Kid Legends, Panda Plan, et même des films plus dramatiques. Il était temps de faire à nouveau un vrai film d’action. Ce qui m’a le plus attiré dans ce scénario, c’est de pouvoir livrer un vrai combat et, avec le public, se remémorer le Jackie d’antan.
Global Times : Dans le film, les « techniques de suivi traditionnelles » s’opposent sans cesse à la « criminalité high-tech ». Comment votre personnage, le vieux policier Wong Tak-Chung, perçoit-il les nouvelles technologies ?
Jackie Chan : Wong Tak-Chung est un peu comme moi (rires), il veut accepter la nouvelle technologie mais n’a pas le temps d’apprendre. Après toutes ces années à tourner de vrais films, me mettre à l’IA pour un film high-tech… c’est déjà trop tard, je ne peux pas apprendre à ce rythme. Sur le plateau, je posais plein de questions comme un idiot. Ils faisaient tourner avec une boule, me disaient qu’elle allait passer dans une machine pour scanner et « clac, clac » capturer tes mouvements. Je me suis dit que je ferais mieux de filmer en apprenant en même temps.
Je me souviens que James Cameron m’a invité sur le plateau d’Avatar. Quand je suis entré, il n’y avait presque rien, juste plein de caméras et des techniciens assis à côté. Ils m’ont tous salué comme un vétéran, m’ont demandé de tenir quelque chose, et de savoir si je comprenais. Je ne pouvais pas dire que je ne comprenais pas, puis il m’a placé au milieu et a crié « action ». Il n’y avait personne physiquement, mais sur l’écran, il y avait plein de « gens ». Je me demandais : comment font-ils ? C’était stupéfiant. Mais les jeunes doivent apprendre, l’avenir c’est l’IA et la robotique.
Global Times : Après plus de 60 ans de carrière, vous êtes toujours actif. Qu’est-ce qui vous motive à garder cette passion pour le cinéma ?
Jackie Chan : Je sais seulement faire des films, rien d’autre. Cette année, cela fait 64 ans que je suis dans ce métier. De l’enfant acteur aux différentes équipes de cascade, jusqu’au réalisateur, scénariste et producteur… aujourd’hui, je sais juste faire des films. Le cinéma me rend heureux. Mais je ne veux pas seulement faire des films d’action : je veux montrer que je suis acteur, capable de combattre, mais pas uniquement un acteur d’action. L’expérience nous montre que les acteurs qui ne savent que combattre disparaissent vite. Le temps passe et les générations changent.
J’ai donc toujours cherché à transformer les personnages que j’incarne. Vous avez pu voir cette évolution dans The Foreigner, Karate Kid Legends, Shinjuku Incident… pour montrer progressivement que Jackie Chan est un acteur.
En fait, tant qu’on aime, on cherche constamment à se renouveler pour rester actif à l’écran. Je veux que chaque année, le public voie un Jackie différent, avec des rôles, styles et des façons de combattre variés. Ce film, vous me voyez bien dans l’action ; le suivant pourrait être purement dramatique. Je veux que le public comprenne que Jackie Chan n’est plus seulement un acteur d’action, mais un acteur tout court, qui sait se battre. Être acteur permet de durer. Après toutes ces années, le public reconnaît que je suis un acteur.
Global Times : Pourquoi The Shadow’s Edge intègre-t-il autant d’idées et de méthodes d’action différentes de vos films précédents ?
Jackie Chan : C’est grâce à mes « enfants » de mon équipe de cascades. Je suis de l’ancienne école, et eux, de la nouvelle. Je leur ai laissé la créativité. Chaque soir, je discutais avec eux, ils me disaient ce qu’ils voulaient faire. J’ai beaucoup appris de cette nouvelle génération. Nous avons évolué du cinéma traditionnel au numérique.
Mes trois « enfants », Su Hang (NDR : le directeur d’action sur le film), Lü Shijia et Li Lei (NDR : ses assistants sur le film) ont commencé comme figurants et sont maintenant directeur et assistants cascades. Ils étaient de jeunes acteurs dans Karate Kid, ont tourné des scènes avec le fils de Will Smith, et voulaient rejoindre mon équipe. Je leur ai dit d’abord de finir leurs études. Maintenant, ils savent monter, coordonner des mouvements et gérer les caméras. Wow, les jeunes d’aujourd’hui sont incroyables.
Global Times : Quel a été le plaisir de collaborer avec votre vieux complice Tony Leung Ka-fai ? Et comment jugez-vous la nouvelle génération d’acteurs ?
Jackie Chan : Tony n’est pas un acteur d’action, mais il fait tout lui-même et persévère, ce qui n’est pas facile. Moi aussi c’est parfois dur, mais pour moi les combats sont plus simples. Sur le plateau, on s’enseigne mutuellement, sans aucune barrière, en parfaite harmonie.
Les jeunes ont souvent peur de moi au début. Je leur dis : « Je ne vais pas vous manger, pourquoi avoir peur ? » Après le tournage, je les invite à manger pour créer un lien. Être proche d’eux permet de mieux tourner. Ils ont la chance de grandir dans cette ère moderne avec des outils comme les replays sur téléphone pour corriger leurs erreurs.
J’admire Zhang Zifeng, que nous avons formé au combat avec mon équipe. Elle s’entraîne sans gants, ses poings saignent mais elle continue. Quand je l’ai vue, elle m’a dit que ce n’était pas grave, que ce n’était que pour le film. Je dis souvent : Zifeng, le succès ne tombe pas du ciel.
Global Times : Envisagez-vous de former de nouvelles stars de l’action ?
Jackie Chan : J’espère que les jeunes ne deviendront pas des Jackie Chan ou des Bruce Lee, mais eux-mêmes. Je leur transmets mon expérience : peu importe si votre film ne cartonne pas, si le public et les professionnels voient que vous êtes talentueux, un jour votre chance viendra. Tous ceux qui font correctement leur travail finissent par être remarqués. J’ai vu beaucoup de gens sur les plateaux jouer avec leur téléphone au lieu de travailler. Ceux qui se concentrent deviennent experts, et peuvent même devenir réalisateurs. Mon chauffeur m’accompagnait chaque jour sur le plateau, puis m’a aidé au montage et est devenu coordinateur cascade.
Je dis souvent aux jeunes : « Ne jouez pas sur votre téléphone, observez tout : la lumière, la caméra, le réalisateur, les figurants, moi, tout le monde. »
Global Times : En tant que représentant du cinéma chinois à l’international, quels sentiments retirez-vous de ce parcours ?
Jackie Chan : Peu importe où je vais, entendre un étranger parler chinois me rend heureux. Notre culture s’exporte. J’espère que davantage de réalisateurs feront de bons films chinois et montreront notre culture — nourriture, habillement, langue — au monde entier.
J’ai eu de la chance : à mon époque, pas de téléphone ni de jeux vidéo, les gens regardaient seulement des films. Mes films d’action n’avaient pas besoin de dialogues ; on voyait l’action et c’était clair. Maintenant, c’est différent : on peut passer la journée sans voir de films. C’est pour cela que j’ai décidé de faire des films qui mettent l’histoire en avant, pas seulement l’action.
J’ai eu de la chance et j’ai suivi la bonne voie : action sans trop de violence, comédie sans vulgarité, pour tout public. Je remercie aussi les critiques : si quelqu’un trouvait mon film vulgaire, je changeais. Quand tous les parents emmenaient leurs enfants voir mes films, je me demandais : « Mon film est-il approprié pour mon fils ? » S’il l’est pour le mien, il l’est pour tous.
Quand Les Aventures de Jackie Chan passaient, des enfants disaient : « Jackie Chan est réel ! » De l’animation aux films live comme Rush Hour et Drunken Master, j’ai gagné des fans. Je remercie ceux qui m’ont critiqué et m’ont permis d’évoluer.
Global Times : Y a-t-il des projets que vous souhaitez réaliser mais qui ne sont pas encore achevés ?
Jackie Chan : je veux faire des films assez rares. J’ai un scénario que j’écris depuis presque 30 ans, très émouvant, mais non réalisé. Il y a aussi d’autres projets surprenants : un jour, vous verrez et vous direz « Jackie Chan va vraiment tourner ça ? ». J’espère les réaliser avant la fin de ma vie.
Global Times : Que souhaitez-vous dire au public ?
Jackie Chan : Je ne dirais pas que mes films sont excellents, mais je fais toujours de mon mieux. J’espère que le public donnera son avis, bon ou mauvais, sur Internet, pour que je puisse m’améliorer. Je profite de cette interview pour remercier le public de me soutenir depuis tant d’années et de me permettre de continuer à travailler. Merci à vous.
0 Comments