Entretien avec le réalisateur de THE FOREIGNER pour le site ComingSoon.net

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Ce vendredi voit la sortie aux Etats-Unis de THE FOREIGNER réalisé par Martin Campbell que l’on n’avait plus vu au cinéma depuis 2011 avec Green Lantern. Son nouveau film renouvelle l’image de Jackie Chan dans un thriller sombre et violent. Voici donc la traduction de l’entretien du réalisateur avec ComingSoon.net.

ComingSoon.net: Vous avez été amené à le réaliser alors que Jackie Chan était déjà en négociation. En quoi consistait le processus de participation avec une star déjà attachée ?

Martin Campbell: En toute honnêteté, ce qui s’est passé, c’est que j’étais sur un autre film et que le film est tombé l’eau parce que l’entreprise a fait faillite. Je suis sorti de ça et j’ai eu un appel de STX (NDR: la société de production), il y avait déjà un réalisateur sur ce film qui avait quitté le projet, alors ils m’ont demandé si ça m’intéresserait de le revenir dessus.

CS: Y a-t-il eu une partie durant la discussion ou vous avez exigé : « vous faites un film de Jackie Chan mais il ne joue pas à Jackie Chan ».

Campbell: Il l’envisageait, mais à ce moment-là, il n’avait pas encore signé. J’ai dû faire deux voyages en Chine pour le rencontrer et lui parler. Juste pour le faire signer. C’était un peu un nouveau saut pour lui, il est clair que le personnage est quelque chose qu’il n’a jamais joué auparavant, alors il a dû le considérer. J’ai dû faire deux voyages et ensuite il est venu sur le projet.

CS: Quel genre de direction avez-vous donnée  à Jackie pour jouer un rôle comme celui-là ? Il peut évidemment se débrouiller dans les scènes d’actions, mais qu’en est-il pour les scènes dramatiques ?

Campbell: Nous avons réussi à répéter certaines de ces choses et, comme c’est une histoire de perte et de chagrin, il fallait le mettre dans cet état d’esprit, tout cela est dans sa tête. C’est la chose principale. Je voulais qu’il soit très calme où tout est vraiment transmis à travers ses yeux, son expression et sa performance. Un traitement naturel et simple au niveau de la caractérisation, si vous voyez ce que je veux dire.

CS: Compte tenu de l’étendue de votre carrière et de celle de Jackie, Est-ce que vous avez appris quelque chose sur le cinéma à ces côtés ?

Campbell: Évidemment, l’action parle d’elle-même. Il est venu avec l’un de ses propres coordinateurs de cascades qui était excellent, un gars appelé Han Guanhua (NDR: ex assistant coordinateur des cascades de la Jackie Chan Stunt Team, The Foreigner est son premier en tant que chorégraphe). Ce qui était extraordinaire, c’est qu’il n’y a pas d’ego avec Jackie. C’est un joueur d’équipe absolu, toujours ponctuel, toujours à l’heure, très généreux, je présume que vous l’avez rencontré, n’est-ce pas ?

CS: Je n’ai pas malheureusement, mais j’aimerais.

Campbell: Eh bien, vous le savez certainement, vous rencontrez toujours un problème avec un acteur sur lequel vous buttez, mais avec Jackie, il n’y en a pas. Il est 100% authentique, et son dévouement au travail est extraordinaire. Il est très généreux et je le dis dans le meilleur sens du terme, c’est un vrai professionnel. J’ai travaillé avec des acteurs qui pouvaient se montrer difficiles, ce qui ne rend pas les choses faciles, mais pas avec Jackie. La patience est quelque chose qu’il m’a appris. Il avait beaucoup à surmonter (dans le film), il n’avait pas fait un film américain depuis très longtemps, et il a perdu les automatismes de la langue (anglaise). Il avait parler le mandarin depuis un certain temps, Rush Hour date de longtemps, donc son anglais n’était pas génial. Il était vraiment coincé et il a appris ses textes, je devais faire très peu de prise avec lui afin de garder son naturel. Il s’est vraiment immergé dans le personnage.

CS: Jackie n’avait jamais interprété un tel rôle, est-ce que c’était ton idée d’engager Pierce Brosnan dans le film et de la faire jouer lui aussi un rôle dont le public n’a pas l’habitude de le voir ?

Campbell: Oui, je vais le dire ainsi, comme toujours avec le casting, vous avez une liste de quatre ou cinq noms qui sont possibles, et évidemment la raison du choix est que certains ne sont pas disponibles, certains peuvent ne pas vouloir faire le film, peu importe raison, mais Pierce était en tête de liste. Tout d’abord, il est irlandais, il a parlé dans un accent nord-irlandais, qui, par exemple, est celui de Gerry Adams, qui est à la tête du parti politique « Sinn Féin » du gouvernement irlandais. Pierce parle exactement comme lui, il est presque une réplique, même en ce qui concerne son apparence. C’était un grand rôle pour Pierce dans le sens où je voyais ce personnage comme tragique plutôt qu’un méchant en tant que tel. C’est ce qui m’a intéressé à ce sujet. Pierce s’est réellement investi et je pense qu’il le fait terriblement bien.

CS: Vous avez été impliqué dans beaucoup de ces films qui sont des réinterprétations d’acteurs ou de personnages, comme GoldenEye ou Casino Royale ou encore Le Masque de Zorro. Est-ce que ces choses continuent à se produire par accident ou aimez-vous prendre réellement vous accaparez la formule d’un comédien ou une franchise pour la déplacer vers un nouveau terrain ?

Campbell: (rire) Pour être honnête, c’est plus par accident ! Dans ce cas, je ne sais pas qui j’aurais eu si ça n’avait pas été Jackie Chan. En fait, honnêtement, je ne pense pas que le film aurait pu se faire. Il y a eu des moments où nous pensions: «Si Jackie n’est pas disponible …» Vous voyez, dans la liste des acteurs chinois, il est clair que vous ne pouvez pas avoir quelqu’un qui joue un chinois et qui ne l’est pas réellement. Jackie était le seul choix. Je me suis demandé s’il serait capable de le faire, puisque nous sommes tellement habitués à ce que Jackie fasse ce qu’il fait si merveilleusement bien. Alors j’ai regardé, qu’est-ce que c’était … oh mon dieu, à quoi je pense, le film avec le gamin ? Quel était le film qu’il a fait … Karaté Kid ! Il est merveilleux dedans. C’est un rôle sérieux et un rôle plutôt émouvant et j’ai alors pensé qu’il serait formidable. C’était le film qui m’a fait réaliser qu’il serait absolument capable de le faire.

CS: D’un autre côté, nous sommes actuellement à un point où certaines des choses que l’on fait au cinéma, sont « rebooter » ou « remaker ». Est vous à l’aise avec ça ?

Campbell: Je sais, Dieu sait, on ne parle que de suite et ils redémarrent des trucs. À un moment donné, ça va imploser. Évidemment, les grands films de studio, comme Star Wars, tous les trucs de Marvel, je les comprends parce que les studios ont besoin de ça pour leur rentabilité. Ils comptent clairement sur ces films là. Ils n’obtiennent plus de ventes de DVD, ce marché a disparu. En quelque sorte, ils vont tout faire pour faire des remakes pour des raisons financières, c’est-à-dire qu’ils continueront à faire ce qu’ils savent le mieux faire ou ce qu’ils pensent réellement fonctionner, pourquoi s’abstiendraient ils ? Certaines de ces séquelles n’ont tout simplement pas fonctionné et les gens en ont assez, ils en ont marre, et le coût de ces films est énorme, donc les risques sont plus grands. Il est toujours si difficile maintenant de trouver un film original ou un film que vous n’avez jamais vu, quelque chose qui n’est pas un reboot ou une suite ou quoi que ce soit. Bien sûr, l’industrie du cinéma n’a pas toujours été comme ça, mais c’est très décourageant, je dois le dire.

CS: J’ai aimé votre approche dans The Foreigner en ne craignant pas l’impact des attaques terroristes sur les victimes et leurs proches car il aurait été très facile de montrer des explosions et de tout obscurcir avec du brouillard pour une interdiction PG-13.

Campbell: Nous avons décidé très tôt que ce n’était pas un PG-13, que les dialogues seraient assez dures à certains moments, et que la violence soit assez frontale. Donc, pour la première fois de ma carrière, nous n’avons jamais discuté d’un PG-13. On a toujours supposé que ça allait être « R » (NDR: interdit au moins de 17 ans, sans être accompagné par un adulte). Parfois, ces studios acceptent, puis à la dernière seconde, ils disent: «Pouvons-nous faire un PG ?» Soudain, ils reviennent sur leur décision, ce qui est arrivé avant. Vous entrez alors dans un combat. C’est intéressant en Chine d’ailleurs, ils n’ont pas de classification, il n’y en a pas. Donc, un enfant de cinq ans peut aller voir ce film avec tous ces jurons et tout. Ils le doublent en mandarin mais ils ont aussi des sous-titres en mandarin, donc c’est assez alarmant quand on voit tout ça avec un gamin de cinq ans.

CS: Vous avez également quelques scènes d’action qui sont construites sur la furtivité. Quelles sont les principales différences dans l’élaboration d’une scène d’action construite autour du silence, par opposition aux explosions et aux tirs d’armes à feu ?

Campbell: L’élément le plus inutilisé dans les films, je pense, est le silence. Ce qui se passe maintenant, c’est qu’ils superposent tout avec de la musique. Bien sûr, vous devez l’avoir sur des films d’action, mais tant de films sous entendent maintenant ce qui va se passer et les explosions sont énormes, massives et numériques. Nous n’avions qu’une seule explosion numérique dans ce film et c’était l’aéroport et c’était parce que nous ne pouvions pas exploser l’aéroport, sinon je l’aurais fait. Tout le reste est réel. Le bus est réel, la grange est réelle, toutes ces explosions sont réelles. Juste la façon dont vous dirigez les choses, plutôt que beaucoup de clameur, tout cela est joué en silence. Quand Jackie est à la ferme et qu’on le voit se faufiler c’est tout en silence … Même l’ouverture, malheureusement bien sûr les bandes annonces doivent en faire des tonnes. [une partie a été volontairement tronquer à cause d’un « spoiler »]

CS: Cliff Martinez a fait la musique pour le film et je me suis retrouvé vraiment à écouter sa musique pendant certaines des scènes d’action les plus intenses. Pouvez-vous nous dire comment vous avez travailler la musique du film ?

Campbell: Il est génial, c’est un très bon compositeur. Tout d’abord, il devait être contemporain, c’était tout le sens de la musique, numéro 1. Bien sûr, Cliff, comme vous le savez, a fait Drive , donc c’est un très bon compositeur. Nous nous sommes assis et nous avons parlé d’une composition afin que la musique ne nous dise rien de ce qui allait se passer dans la scène. De plus, il est un peu unique, ces compositions sont surprenantes. J’étais très content de ce qu’il a fait, je dois le dire.

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