Traduction d’un entretien pour le site chinois The Paper

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Ci-dessous voici la traduction d’un entretien vidéo de Jackie Chan accordé au site chinois The Paper pour la sortie de son dernier film RIDE ON. On découvre un Jackie Chan nostalgique des anciennes méthodes mais conscient de son âge et de ses capacités physiques désormais limité. Mais il compte toujours donner de sa personne à hauteur de ses possibilités. « Never say no » comme on disait à l’époque.

Il faut aussi savoir que cascadeur se dit dans le milieu cinématographique chinois « artiste du dragon et du titre », cela traduit à la fois une compétence dans le domaine de la cascade et des arts-martiaux avec un état d’esprit vrai et authentique. Pour faciliter la lecteur je l’ai simplement traduit par « cascadeur/artiste martial ». Bonne lecture.

 

Cette fois, vous avez directement débuté le tournage avec une blessure. S’agit-il d’une nouvelle blessure ou d’une plus ancienne ?

C’est une vieille blessure. Il y a un an, j’ai eu un blocage du dos, après cela, j’ai dû marcher lentement, je ne pouvais pas rester debout trop longtemps, et je ne pouvais même pas aller aux toilettes trop longtemps. J’avais des béquilles lorsque le réalisateur est venu me voir et le tournage a commencé peu de temps après. J’avais peur qu’au début du tournage, je sois toujours avec des béquilles et d’être dans l’incapacité de me battre, ce qui lui mettrait beaucoup de pression. Alors je suis allé à l’hôpital pour faire une série d’injections. C’était la dernière fois. Je ne pourrais plus recommencer à l’avenir. Je ne me soucie de rien quand je filme, je suis le genre de personne qui peut risquer sa vie tant que la caméra est allumée.

Quel contenu du script vous a attiré pour que vous puissiez agir ainsi ?

En plus de faire écho à ma vie, ce scénario est aussi un hommage aux cascadeurs/ artistes martiales du monde entier. Il y a beaucoup d’histoires vraies qui me sont arrivées auparavant, même si je ne les ai pas vécues personnellement, je les ai vues de mes propres yeux, j’y ai participé, et elles sont toujours vives dans ma mémoire. De plus, cette histoire parle aussi de la relation entre un père et sa fille et les chevaux. Le récit n’est pas monotone. Elle se concentre que sur mon personnage. C’est très complet et c’un très bon scénario.

Ce rôle est-il un vrai personnage pour vous ?

La plupart du temps, j’ai à peine besoin de jouer, tout comme dans les films précédents. Bien sûr, le réalisateur a continué à me dire diriger par rapport à sa vision du personnage. Ce que j’ai dû consciemment éviter, c’est de jouer comme si j’étais le « grand frère », c’est-à-dire le patron, le chef de famille. « Lao Luo » n’est pas un « grand frère », c’est un artiste martial/cascadeur à l’ancienne. Je veux montrer cette esprit à l’ancienne, ainsi qu’un côté solitaire et sensible. Ce qui n’est pas courant sur mes films précédents.

Avez-vous eu l’impression de revivre votre ancienne vie ?

Oui, beaucoup. Les cascadeurs/artistes martiales à l’ancienne vivent au jour le jour, nous sommes très heureux quand nous sommes ensemble, et nous nous sentons très seuls quand nous sommes seuls. Avant que la profession de cascadeur et d’artistes martiales ne soit populaire, on était très isolé. Contrairement à maintenant, certains n’avaient pas de téléphone. Ce n’était pas si facile de passer un appel téléphonique avant. Ce n’est qu’après avoir commencé à travailler que tout le monde pouvait s’entrainer sur le trampoline, le saut en hauteur, le saut en longueur et la boxe tous ensemble. Une fois le travail terminé, tout le monde allait dîner et boire ensemble. À cette époque, il n’y avait pas tellement d’activités de divertissement, mais les groupes étaient très soudés et on partageait beaucoup de souvenirs. C’est différent maintenant. Maintenant il y a la supervision d’un instructeur en arts martiaux, les soins infirmiers, l’assurance payée par la production, le smartphone… Dans le passé, les cascadeurs/artistes martiales sautaient juste, et sans se soucier de ce qu’ils allaient mettre pour amortir la chute. Yuen Biao et moi, bandions nos chevilles avec des chemises déchirées quand nos pieds étaient foulés. Parfois, j’allais mettre un plâtre à l’hôpital et je me précipitais juste après pour boire avec tout le monde. C’était la vie des cascadeurs chinois à l’ancienne.

Nous avons grandi en regardant vos films et avons entendu d’innombrables légendes sur vous et vos pairs qui « ne meurent jamais ». Pensez-vous à ce qui pouvez arriver de pire ?

Oui. Mais lorsque la caméra est allumée, vous ne pensez plus à rien. Au moment de faire une cascade, mon cœur commence à s’emballer, alors je crie « action ! » afin d’arrêter de penser. Pour le saut dans le final de Police Story, je ne voyais rien du 7ème étage, je me fiais juste à une lumière, mes mains étaient crispées, et j’ai juste crié « action » et j’ai glissé. Si une personne reste là-haut trop longtemps, elle n’osera plus sauter. Pourquoi n’ai-je pas pu sauter dans Le Marin des Mers de Chine durant 7 jours ? Parce que je m’accrochais en regardant le sol. Je réfléchissais à ma position de départ. Si j’avançais trop, j’allais encore me casser le pied. Je surveillais la lumière. Si c’était nuageux, je remettais au lendemain. À la fin, Sammo Hung m’a dit de me dépêcher de tourner. Je suis monté et j’ai demandé à Sammo Hung de s’occuper de lancer l’action. Parce que j’étais déjà le « grand frère » à cette époque, et que seul Sammo Hung était mon « grand frère ». Dès que la caméra a démarré, j’ai arrêté de réfléchir. Alors j’ai appliqué cette méthode sur d’autres films plus tard, et c’était pareil, avec mes frères. Je leur disais de ne pas aller sur les lieux toute la journée, et qu’il fallait filmer tout de suite, sinon on réfléchit trop.

RIDE ON est assez spécial avec une collaboration avec un cheval. Y a-t-il un défi ou quelque chose de spécial à filmer avec des animaux ?

C’est très difficile. Il y a un dicton dans notre industrie cinématographique qui dit que les enfants et les animaux sont ce qu’il y a de plus difficile à filmer. Oui. C’est très difficile de tourner une scène avec un animal. Il marche quand il veut, et s’arrête quand il veut. Soudain, il y a un bruit, et il va avoir peur. Après avoir sélectionné le cheval, le réalisateur a demandé à un dresseur de chevaux de l’entraîner tout le temps. Je lui ai également parlé tous les jours sur le plateau. Soyez patient, affectueux et prenez le temps de filmer. Nous avons filmé des chevaux pendant tant d’années, nous avons également acquis une certaine expérience pour les filmer.

Lao Luo dans le film est un cascadeur/artiste martial, confronté à un certain inconfort dans le nouvel environnement cinématographique et télévisuel. Vous êtes vous-même issu de cette époque, avez-vous déjà vécu une expérience similaire dans la vraie vie ?

Beaucoup trop. Par exemple, j’ai tourné un film publicitaire d’utilité public avec Arnold Schwarzenegger aux États-Unis, nous devions juste nous assoir sur une moto. Puis lorsque le film est sorti, nous étions tous les deux sur la route, tandis que nous esquivions des voitures à gauche et à droite. L’effet imitait une situation plausible. C’est ce que je ne comprends pas. Je ne sais même pas comment retoucher des photos, et je n’utilise pas personnellement ni WeChat, ni Weibo. Je ne peux que prendre de vraies photos à l’ancienne. Dans la vraie vie, je suis comme « Lao Luo ». Je suis « authentique ».

Pensez-vous que ce sont les cascadeurs/artistes martiales chinois qui ont créé ses brillants films d’action de l’époque (NDR : les films HK des 80s et 90s), ou était-ce à cause de la technologie sous-développée que les cascadeurs/artistes martiales ont créé cette particularité ?

Les deux. J’ai aussi pensé à utiliser la technologie pour nous aider, mais nous ne comprenons pas, alors nous ne pouvons que continuer sur cette voie. Après avoir franchi cette voie, le public veut maintenant voir Jackie Chan en vrai. Maintenant que nous avons les moyens et du matériel, nous n’osons pas les utiliser. Le public accepte que d’autres acteurs utilisent des doublures pour faire leurs actions, mais ils n’ ‘acceptent pas ça venant de moi, ni de Wu Jing, ni de Sammo Hung et ni de Yuen Biao. Quand ils viennent voir Jackie Chan, ils veulent vraiment me voir tomber et sauter. Ils peuvent regarder n’importe qui se transformer en tel héros ou super-héros, utiliser des effets spéciaux pour aller sauter du ciel jusqu’au sol, peu importe à quel point ils sont puissants… mais « Jackie Chan » ne peut pas.

Pensez-vous qu’être une « action star » est en fait une limite pour vous ?

Oui. Je dois donc changer. N’ai-je pas changé au cours des dix dernières années ? Ceux qui étaient là avant moi, ceux qui étaient là en même temps que moi, et ceux qui sont venu après moi, combien reste-t-il de véritable « action star » ? J’ai réalisé très tôt que je ne pouvais pas être juste une action star, je voulais être un acteur, alors j’ai changé. J’ai fait Little Big Soldier, Karate Kid et The Foreigner pour prouver au public international que oui, je suis un acteur. La vitalité des acteurs d’action est très courte. A mon âge, je ne suis plus un acteur d’action. Mais c’est grâce aux films que j’ai fait avant que le réalisateur a écrit un tel scénario pour moi. Je n’ai pas besoin d’être un grand héros, mais je peux interpréter un simple cascadeur/artiste martial. Personne n’a écrit ce genre de scénario pour moi avant, encore moins aux États-Unis, quand on pense à moi, c’est pour Rush Hour, un policier de Hong Kong…. Je ne peux pas être éternellement un policier.

Cette transformation est-elle due au fait que vous réalisez également que vous êtes peut-être vieux ?

Bien sûr, j’ai conscience que je suis vieux. Mais le public ne me laisse pas vieillir, il a encore plus peur que moi, que je vieillisse (NDR : pas faux ^^). Mais je ne peux pas faire semblant que rien n’a changé et tromper le public. Je fais encore beaucoup de mouvements mais avant, je pouvais sauter directement (NDR : sans corde), mais maintenant je ne peux plus le faire. Ce que je peux faire, je le ferai toujours par moi-même, car j’aime toujours faire ça.

Quand les gens parlent de vous, ils pensent que vous représentez l’image du peuple chinois dans le monde. Ressentez-vous une pression ou une motivation à cela ?

C’est beaucoup de pression, mais ça me gêne un peu. Si vous regardez mes films d’il y a des décennies, j’ai toujours fait des films patriotiques qui représentent les chinois. C’est enraciné en moi. A l’époque où Hong Kong n’était pas revenu à la Chine, on disait que je n’étais pas tout à fait chinois. On disait que j’étais britannique, mais je ne l’étais pas. J’ai juste grandi à Hong Kong. Tous mes scripts de l’époque, reflètent des sentiments patriotiques, et cela ne changera jamais. Il y a quarante ans quand les occidentaux me regardaient, ils disaient que j’étais japonais. Je leur répondais : « non, je suis chinois. » Je porte parfois un costume Tang, pour que les gens sachent que je suis chinois. Je veux aussi que les étrangers comprennent notre façon de faire et notre culture chinoise. Quand les étrangers viennent, je suis le premier à les inviter à boire du baijiu. S’ils n’aiment pas, je leur dirai à quel point c’est délicieux. Je veux juste promouvoir toutes ces choses-là.

Il y a un dicton qui dit que l’âge d’or des films de Hong Kong a été créé par diverses sociétés cinématographiques et leurs équipes.

Oui. Nous avions l’habitude de nous défier. Je me bats avec Sammo Hung, Sammo Hung se bat avec Yuen Woo-Ping, Yuen Woo-Ping se bat avec moi et je me bats avec mes frères. Voyons qui peut bien tourner parmi les membres de la Jackie Chan Stunt Team, celle de Sammo Hung, de Yuen Woo-Ping et de Liu Chia-Liang ? Combattre entre frères était tellement amusant. Cette époque est révolue maintenant. Maintenant il n’y a plus besoin de se battre.

Face aux débutants, êtes-vous aussi exigeant envers vous-même ?

Les règles sont nécessaires, mais la sévérité ne l’est plus. Il y a beaucoup de choses pour les aider dans les mouvements. Mais si vous voulez vous battre, vous ne pouvez pas tricher. Mais plus d’une douzaine de frères vous aideront à mener à bien une action dangereuse. Par le passé, se voir aujourd’hui ne signifiait pas pour autant je te verrai demain.

 

 

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