[critique] RIDE ON de Larry Yang (2023)

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Annoncé le jour même de son premier jour de tournage en septembre 2021, RIDE ON a rapidement annoncé la couleur à travers la particularité de son casting à savoir un cheval comme centre d’intérêt du film. En effet, dans RIDE ON, Jackie Chan incarne Lao Luo, un vétéran cascadeur, lessivé par la vie et n’ayant comme seule famille qu’un cheval répondant au nom de Red Hare (ou Chitu en chinois). Les problèmes vont commencer le jour où Lao Luo apprend que son cheval adoré doit être cédé en raison d’un litige avec un riche propriétaire. Lao Luo n’aura d’autre choix que de demander de l’aide à sa fille qui ne lui a plus parlé depuis plusieurs années.

Afin de dissiper tout malentendu en raison de la présence de Jackie Chan, RIDE ON n’est pas un pur film d’action. C’est avant tout une comédie animalière familiale comme peut l’être Marley & Moi (2008) avec Owen Wilson et Jennifer Aniston, avec comme background le milieu du cinéma et l’enfer des tournages. En cela, RIDE ON est bien à l’image du réalisateur Larry Yang, l’auteur de la comédie animalière à succès Adoring sortie en 2019 dans les salles chinoises.

Comme la plupart des cinéastes de sa génération qui a grandi avec les films de Jackie Chan, Larry Yang revient donc avec son idole, la légende du cinéma d’action. Loin du cynisme des derniers films de Stanley Tong, ici, le film de Larry Yang transpire la sincérité et c’est la plus grande force du film. A aucun moment, nous ressentons la présence de Jackie Chan à des fins purement mercantiles. Ici, Jackie Chan est bien le premier rôle et la caméra du réalisateur ne quitte guère la légende de son objectif. C’était d’ailleurs la grande question qu’il était permis de se poser : comment le réalisateur allait-il réussir à jongler avec trois intrigues en une seule ? C’est-à-dire, à la fois peindre la relation entre Lao Luo et Red Hare et le litige lié à ce dernier, celle avec sa fille avec qui il ne parle plus et enfin celle du métier de cascadeur qui a notamment évolué avec les nouvelles technologies. Soit faire tenir sur deux heures, trois intrigues qui aurait pu être chacune un seul film.

Heureusement, le réalisateur et scénariste de Mountain Cry est assez habile pour réussir à emballer tout ça sans risquer l’indigestion. Mais n’allez pas croire qu’il s’agit d’un film « d’auteur » dans le sens le plus péjoratif du terme. Non, RIDE ON est bien une comédie familiale populaire qui démontre une incroyable énergie lors de quelques séquences d’actions que l’on n’avait plus vu chez Jackie Chan depuis bien longtemps. Et c’est un régal de sourire à nouveau devant tant d’ingéniosité chorégraphique tellement cinégénique. Alors oui, âge oblige, l’action est plus découpée et cadrée serrée qu’autrefois. On devine parfois la doublure. Mais le geste du maître est là. Et il est inimitable.

Comédie oblige, le film n’est pas sans moment comique, certes bon enfant et inoffensif mais allant parfois jusqu’à frôler la comédie grasse HK et ces moments cultes et surréalistes des 90s que l’on adorait tant.

RIDE ON ne manquera pas non plus d’émouvoir les plus sensibles. Notamment ceux qui mesurent à quel point la présence d’un animal peut être une source de bonheur. Et de ce côté-là, le film remplit également son contrat.

L’alchimie entre Jackie Chan et Red Hare est quasi parfaite et de mémoire, on a rarement vu au cinéma un cheval aussi expressif et émouvant. On sent bien l’expertise du réalisateur de Adoring qui a l’habitude de travailler avec les animaux.

La jeune comédienne Liu Haocun n’a pas usurpé sa réputation. Elle est impressionnante de naturel. Elle apporte beaucoup de crédibilité à son personnage et la relation qu’elle entretient avec son père incarné par Jackie, en ressort indéniablement réussie. De son côté, Jackie Chan affine encore un peu plus son jeu notamment lors des nombreuses séquences larmoyantes. Et c’est le principal reproche que l’on peut faire au film de Larry Yang qui plonge un peu trop souvent son récit dans des séquences de tire-larmes un peu grossières alors même qu’il a su démontrer une certaine retenue fort appréciable lors de moments fort émouvants. L’aspect intentionnellement surdramatisé de certaines scènes pourra donc rebuter les plus cyniques des spectateurs mais pas de quoi gâcher le plaisir pour ceux qui sauront reconnaitre la sincérité indéniable de la proposition, certes parfois maladroite mais jamais mal intentionné. RIDE ON est par ailleurs truffé de clins d’œil à la filmographie de Jackie Chan. Les plus chevronnés des fans sauront les reconnaitre même parmi les figurants en arrière-plan. Ouvrez l’œil donc.

On lui reprochera également des séquences un peu vite expédiées par moment là où il aurait fallu au contraire s’y arrêter. Si RIDE ON pêche, c’est par une accumulation de petites maladresses qui si elle ne gâche pas totalement la vision du film, peut finir par agacer les plus cinéphiles et exigeants des spectateurs. Alors, non, RIDE ON n’est pas un grand film sur la fabrication du cinéma, il n’est pas non plus un grand film sur la relation entre une père et sa fille, ni un grand film animalier. Le réalisateur et scénariste est ainsi victime de sa modestie. N’ayant très certainement, jamais eu la volonté d’inscrire son film dans l’histoire du cinéma, Larry Yang a juste souhaité humblement l’inscrire dans la filmographie de Jackie. Et en cela, RIDE ON est une comédie familiale qui, même si elle n’est ni grande ni culte, à au moins le mérite d’être plus sympathique et regardable que les derniers films de la superstar. Un « feel good movie » difficile à détester et qui entre deux films d’actions cyniques et violents (qu’on adore), peut faire parfaitement le job.

Le film n’a pas fonctionné plus que ça au box-office chinois. On sait la pauvre comédienne Liu Haocun, être l’objet d’appel au boycott sur les réseaux sociaux chinois à chaque sortie de ses films depuis l’accident impliquant sa mère, professeure de danse, avec une de ses élèves qui a fini handicapée. Mais en quoi, la jeune actrice est-elle responsable ? Une énième injustice des réseaux sociaux sans aucun doute.

On imagine également que le public, celui des 12 – 25 ans, n’est guère intéressé par une vedette du cinéma d’action vieillissante aussi légendaire soit-elle. C’est pourtant tout ce qui fait la saveur de RIDE ON. Le film fait des merveilles lorsqu’il rentre en écho avec la propre vie de sa star. Que ce soit du don de soi qu’exigeait à l’époque le métier de cascadeur, le sacrifice de sa vie personnelle ou le regard mélancolique sur les moments glorieux qui paraissent si lointain. Le film est d’ailleurs dédié à tous les cascadeurs chinois.

Après plusieurs années d’errance à tenter notamment d’investir des genres différents (la science-fiction avec Bleeding Steel, la ghost story avec Knight of Shadows), Jackie Chan avait sans aucun doute besoin d’un film comme celui-ci. RIDE ON marque un nouveau point de repère, certes plus modeste qu’à l’accoutumée, dans la longue carrière de Chan. Celui-ci, on l’espère, permettra peut-être à Jackie Chan d’arrêter de regarder dans le rétroviseur et d’appréhender ses prochains choix de films d’une autre manière, plus en adéquation avec son âge et celui de ses fans de la première heure. Cela ne veut pas dire arrêter le cinéma d’action. Comme il l’a souligné durant la promotion du film, Jackie n’arrêtera jamais. Mais ces dernières années, ses films ont souvent souffert d’un « entre-deux » mal placé. Alors peut-être acceptera-t-il et son public avec lui, plus sereinement l’utilisation de doublure, de vfx et d’autres formes que le cinéma d’action moderne peut offrir. C’est ce qu’on souhaite à une légende vivante du cinéma d’action qui aura su, plus qu’aucune autre, autant nous émouvoir.

RIDE ON est édité en France par Factoris Films. Restez à l’écoute pour la date de sortie en dvd/blu-ray.